Les instants de bonheur à percevoir en changeant son regard

Comment les vertus simples peuvent-elles nous rendre heureux ?

mal

 
 

Les vertus simples qui permettent une vie bonne, selon les philosophes. Quelles sont-elles et comment les mettre en œuvre ?

Avec

Dans l’espace public et dans nos sociétés, des passions tristes pullulent comme la colère, l’envie, la frustration. Mais aussi l’hyper-narcissisme, la vanité, l’égoïsme.

À l’inverse, des vertus ordinaires, des qualités quotidiennes, comme la bonhomie, la discrétion, la placidité, la sobriété, l’affabilité, la mesure, l’urbanité, sont trop peu valorisées…

En compagnie du professeur honoraire au Collège de France, Carlo Ossola, nous célébrons cette vie simple qui permet d’accéder à la vie bonne, chère aux philosophes de l’Antiquité.

Éloge de la vie ordinaire

Notre invité, Carlo Ossola, a publié l'essai La Vie simple, aux Belles Lettres, et une citation de Pascal figure en quatrième de couverture : "La vertu d'un homme ne doit pas mesurer par ses efforts, mais par ce qu'il fait d'ordinaire." Carlo Ossola précise ce choix de citation : "On est jugé par notre conscience, et par les autres, par ce que nous faisons. Donc les actes comptent beaucoup."

Les vertus qu'il célèbre dans son livre sont fondamentales pour que nous puissions vivre avec nous-mêmes et avec les autres. La bonhomie, la placidité, la cordialité, la prévenance, la générosité, la gratitude, toutes ces vertus ne sont pas médiatiques, elles ne font pas le buzz dans l'espace public, dans notre société qui, selon lui, glorifie l'hubris, la colère, la mise en scène de soi, la performance, l'hyper-narcissisme.

Nous détiendrions en nous toutes les qualités, toutes les ressources pour mieux vivre avec soi et avec les autres. Notre nature humaine est dotée d'une richesse gratuite, insoupçonnée et c'est à chacun de déterrer ses trésors. Des trésors comme la douceur, la loyauté, le tact, la mesure. Nous avons ces trésors en nous. Pour Carlo Ossola, il faut se laisser surprendre par nous-mêmes, et prendre le temps de nous écouter : "Donc il faut profiter de nos limites pour les transformer en la qualité spécifique de chacun. Pour faire tout cela, il faut de la lenteur par exemple, et donc ne pas être stressé d'arriver les premiers pour performer à tout prix, non. Je crois qu'il faut prendre le temps nécessaire. L'écoute est déjà un temps important."

Simplifier ses désirs serait plus difficile que de les accroître, comme il le dit : "Nous cumulons des passions stériles ou même des passions boomerang qui se rétorquent contre nous alors qu'il serait, plus profitable, même si ça demande évidemment un exercice de lucidité plus simple, d'écarter de nous ce qui demande, trop d'investissement, et de désir."

La philosophie de Pascal

L'invité adhère aux pensées de Pascal. Il rappelle notamment ce célèbre constat du philosophe, qui est notre impossibilité, notre difficulté à demeurer en repos dans une chambre et notre besoin de divertissement, de sortir de soi-même constamment, qui nous anime. Nous sommes assiégés par des désirs qui émanent de l'extérieur, des désirs qui nous chasseraient de nous-mêmes.

L'invité rappelle l'étymologie de divertissement, au sens pascalien : "Le divertissement signifie sortir du chemin qu'on a pris, sortir du chemin droit et donc avec le risque de se perdre. Et il ajoute que l'Homme aime plus la chasse que la prise, ce qui est vrai. Et donc, aimer la chasse signifie être toujours dans un état potentiel, et jamais arriver à une plénitude, ne fut-ce qu'une petite. Et le divertissement est vraiment le passage à ce potentiel sans fin et jamais à la possibilité de toucher la chose ordinaire qui est à la portée de nos mains."

Quelques qualités délaissées

Carlo Ossola loue dans son livre et dans l'émission quelques vertus, qu'il pense en voie de disparition, ne serait-ce que dans le vocabulaire.

  • L'Urbanité

"Être urbain" est une expression qui regagne un peu en popularité mais dont l'application semble moins répandue. Pour Carlo Ossola, "C'est un paradoxe parce que ça vient de urbs, la cité, la ville que nous habitons. Donc l'urbanité, à mon sens, serait nécessaire précisément parce que nous habitons en ville. En fait, la plupart de l'humanité, désormais, est destinée à habiter dans des mégalopoles. Donc, il faudrait savoir cultiver ces petits traits de bon sens qui nous permettent d'habiter dans des espaces plus étroits que la campagne, la nature, etc."

  • La discrétion

C'est cet art de passer sans se faire remarquer. C'est une vertu qui peut paraître anachronique à l'heure des réseaux sociaux. Carlo Ossola : "C'est une vertu ancienne. Là aussi, elle vient d'un beau verbe, c'est-à-dire la capacité de discerner, de distinguer, d'analyser. Il ne s'agit pas du tout de renoncer à quelque chose vers la fadeur, mais au contraire de multiplier les actes d'analyse."

  • La bonhommie

Pour l'invité, c'est la plus fragile des vertus communes. La bonhomie, c'est un certain bon fond, un bon fond de l'âme qui fait que l'on croit volontiers au bien, bien qu'il s'avère parfois préjudiciable.

Selon Carlo Ossola : "Aujourd'hui, la bonhomie est plutôt le signe de quelqu'un qui se laisse tromper facilement, qui croit tout, etc. Et donc, je réfléchis un peu sur cette double signification de bonhomie. Se défendre des autres est infiniment plus fatigant que d'essayer de croire à l'autre. Évidemment, ça demande un peu de conscience du risque que nous prenons. On peut effectivement être trompé, mais l'inverse, c'est-à-dire se méfier constamment, porte à une espèce d'isolement qui me semble être plus nuisible que la bonhomie."

  • La placidité

C'est l'inverse de la colère, de l'hubris, du bruit, ou de la fureur. C'est l'inverse de la compétition. La placidité se place au-dessus des ambitions, des désirs vains, des rivalités, et des emportements. C'est une vertu qu'on peut appliquer de façon assez simple dans sa vie quotidienne.

Un Podcast de l'émission Grand bien vous fasse - France Inter