Addiction au sucre

Existe t'elle vraiment ? 

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Difficile de s'arrêter lorsque l'on met la main dans le paquet de bonbons ou sur la tablette de chocolat, jusqu'à avoir l'impression d'être accroc au sucre. Mais est-il à-propos de parler d'addiction ? Que dit la recherche scientifique ?


On se demande dans cette émission si l’addiction au sucre existe vraiment. Anna Roy, sage-femme, évoque, par exemple, ici son sevrage du sucre après avoir pesé jusqu’à 126 kilos, une obésité massive selon la médecine. Pourquoi le sucre nous attire tant ? Pourquoi est-il difficile d’arrêter d’en consommer quand on est accro ? Peut-on vraiment faire une analogie entre le manque lié au sucre et celui lié à la cocaïne ? Comment expliquer ce manque et ce malaise quand on arrête le sucre ?

Anna Roy témoigne dans son livre Énorme de l'addiction qu'elle a vécu, "le sucre été un très grand plaisir avant de devenir un cauchemar". Dans la famille, particulièrement chez sa grand-mère, le fondant au chocolat était partout, elle a repris la recette de sa grand-mère pour à son tour le proposer à toutes les fêtes, toutes les célébrations.

Addict aux aliments sucrés

Elle était pré-diabétique, et chose remarquable pour elle, après avoir arrêté le sucre, en l'espace de trois mois sa glycémie était redevenue normale, ainsi que l'hypertension, et les douleurs articulaires avaient diminué. À 126 kilos, elle était à la limite de l'obésité morbide, "c'était une vie en prison, je ne pouvais plus bouger c'était une catastrophe j'étais très malheureuse". Un jour, une amie lui dit que si elle continue ainsi, elle mourra. Elle est partie pleurer 24 heures. Ensuite, elle s'est attaquée à sa maladie. Sans le sucre, Anna Roy pense qu'elle aurait peut-être pris des anti-dépresseurs, avec la prise d'aliments sucrés "j'avais 3/4 d'heure de tranquillité". Elle, ne pouvait s'empêcher de manger sucré à partir de 17h, "je vivais grâce à ce 17 h où je me disais ok je vais pouvoir manger du sucre". Au fil du temps, elle s'est ajoutée des shoots de sucre au cours de la journée.

La sage-femme se dit addict aux aliments sucrés, avec des tremblements, des vertiges quand elle n'en prenait pas. Mais, avec un peu de temps, assez rapidement selon le nutritionniste, ces effets passent lorsqu'on stoppe ces aliments. Il conseille également de porter un capteur durant cette période d'arrêt, car celui-ci montre ce qui se passe dans le corps via la taux de glycémie, et aide à comprendre.

Un conseil face à l'envie de sucré

L'addiction ne porte pas tant sur le morceau de sucre en lui-même que sur l'accumulation d'aliments sucrés dans le quotidien, pendant ou entre les repas. Le médecin nutritionniste donne un conseil quand l'envie irrépressible de manger du sucré se présente : prendre un verre d'eau, se poser quelques instants, quelques minutes pour le boire, puis se servir un bol d'amandes ou de fruits secs, et les grignoter. "Et vous verrez que si vous mangez des amandes, au bout de 5 6 secondes, dans la bouche vous aurez un petit goût sucré. Donc il faut leurrer votre cerveau, parce que votre inconscient n'est pas votre ami dans ce cas-là. Et il faut trouver des solutions, parce que vous ne pouvez pas continuer à manger un cake tous les soirs."

Le sucre comme addiction, le débat fait rage

Le docteur Reginald Allouche approuve l'expression qui veut que le sucre appelle le sucre, "parce que le sucre est une addiction". Il rappelle également que l'obésité est une maladie, et qu'il faut arrêter de cibler les personnes en surpoids, ou obèses, car cette culpabilité-là fait aussi monter le taux de cortisol, provoque du stress, qui appelle le sucre.

Jacqueline Kerjean est addictologue, elle explique que les débats sont assez passionnés et contradictoires. Ce système est en effet "un circuit qui est absolument vital, essentiel chez tout être humain et tout animal", un circuit qui s'active lorsqu'on mange, pendant l'acte sexuel, ou encore lorsqu'on échappe à un danger. "Le problème est que le sucre utilise ce circuit-là, de manière saine vitale et physiologique mais que ce système peut être perverti par des produits psycho-actifs, ceux qui sont bien reconnus maintenant l'alcool, les drogues, le tabac, et qui peuvent mettre des niveaux de plaisir bien au-delà que ce que la nature a placé pour nous." L'idée est que lorsqu'on multiplie les plaisirs, tout va bien, lorsqu'on se centre sur un unique plaisir, il devient compliqué à gérer.

Des patients accueillis comme addicts au sucre

L'addictologue poursuit : ajouter du sucre dans les aliments, même ceux salés, rend le sucre addictif. "Et même ceux qui sont contradicteurs et disent qu'il n'y a pas d'addictions au sucre disent que tant qu'on ne sait pas, tant que le débat est ouvert, accueillons les patients comme des addicts au sucre puisque c'est une bonne façon de les prendre en charge."

Pour le nutritionniste Reginald Allouche, nous sommes piégés par le sucre, car "lorsque nous sommes foetus, nous déglutissons un liquide amyotique dans le ventre de notre maman qui est légèrement sucré", et quand la maman n'allaite pas les laits maternisés sont légèrement sucrés "non parce qu'il y a un complot industriel, tout simplement parce qu'il a du fer et qu'il faut couvrir le goût de fer, un peu acide" Pour le médecin nous sommes dans un piège darwinien, pour les générations avant le 19 ème siècle le sucre se trouvait dans les fruits, aujourd'hui il y en a partout : "depuis deux siècles le sucre est devenu un additif alimentaire, mais il n'y en a pas sur les arbres !".

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