Peut-on bien gérer la douleur ?

Comprendre et soigner les douleurs chroniques

mal

Qu'est-ce que la douleur ? Comment mieux la gérer avec ou sans trop de médicaments, surtout quand celle-ci devient chronique ?

Avec
  • Marc Lévêque neurochirurgien
  • Adrian Chaboche Médecin spécialiste en approche globale et intégrative

De cet orteil qui vient se fracasser sur l’angle de la table basse à ce mal de dos persistant, nous connaissons tous l’expérience de la douleur. Quand une migraine, une fibromyalgie ou un mal post-opératoire vous handicapent au quotidien, comment faire ?

Comment appréhender cette souffrance qui se transforme parfois insidieusement en mal chronique ?

Peut-on se passer de médicaments ? Quelles sont les nouvelles méthodes pour tenter de remédier aux douleurs chroniques qui touchent de 15 à 20 millions de Français ?

Les douleurs chroniques : ce mal qui hante notre quotidien

Qu'est-ce que c'est ?

Elle s'oppose à la douleur de courte durée, celle chargée de nous avertir d'un danger immédiat sur notre intégrité physique. Sauf que parfois, il arrive que cette alarme dysfonctionne et se mette à retentir en permanence au point d'envahir votre quotidien. Là où une douleur aiguë dure normalement moins de 3 à 6 mois, elle peut s'enraciner pour de multiples raisons biologiques, nerveuses, psychologiques, sociales. La douleur est biopsychosociale et donc multifactorielle explique le Dr Lévêque : "La douleur possède à la fois une dimension sensorielle, émotionnelle, à laquelle s'ajoute un aspect cognitif et comportemental et affectif".

Les douleurs chroniques sont d'autant plus destructrices qu'elles envahissent le quotidien de part la non-reconnaissance, la non-assistance suffisante qui implique une absence de médication soucieuse de s'en débarrasser.

Non, ce n'est pas que dans votre tête…

C'est souvent la réponse que récoltent nombre de patients lorsqu'ils présentent les symptômes responsables de leurs douleurs chroniques, quand certains médecins n'arrivent pas à en comprendre l'origine. Une réaction que le dr Adrian Chaboche juge insupportable "parce que, scientifiquement, ça n'a aucune valeur. S'il est évident qu'il y a une composante psychique, vient s'ajouter plein d'autres éléments multifactoriels à prendre en compte".

Un mal qui manque encore d'une bonne prise en charge

La prise en charge est très peu enseignée en faculté de médecine en France. Surtout, le dr Lévêque souligne que pour 20 millions de personnes, il s'agit de la première raison de consultation chez le médecin traitant. Sauf que dans la culture médicale, la douleur a toujours été réduite à un simple symptôme. Aussi, il n'existe que 277 centres de douleurs en France, ce qui est très peu, déplore-t-il, relativement aux 15 à 20 millions de patients douloureux chroniques : "Au bout du compte, c'est seulement 3 % des patients douloureux chroniques qui accèdent à des centres de la douleur où l'on peut accéder à d'autres thérapies aux approches multifactorielles de la douleur".

Comment traiter et soigner une douleur chronique ?

Les traitements médicamenteux avec modération

Souvent, le premier remède, ce sont les antalgiques, mais les deux médecins rappellent qu'il est vital de ne pas en abuser et de ne pas en devenir dépendant, du paracétamol jusqu'aux opioïdes. Aucun médicament ne doit être pris à la légère, alertent-ils : "Déborder au-delà de 4 g de paracétamol (ce qui commence à devenir toxique pour le corps) va engendrer des risques d'intoxication sur les reins, sur le système vasculaire, artériel, digestif, qui peuvent devenir très graves. S'il y a des médicaments qui constituent un recours absolument indispensable dans la prise en charge de la douleur, il faut savoir équilibrer/modérer la prise. Les molécules des opioïdes fragilisent nos récepteurs à la douleur. Autant ces antalgiques morphiniques ont toute leur place dans le traitement du cancer, mais pour les douleurs chroniques, ils sont à manier avec extrêmement de précaution. Attention aussi à certains types de douleurs, par exemple les douleurs neuropathiques (lésions nerveuses inexpliquées : fourmillements, brûlures, modifications de la perception du chaud et du froid, démangeaisons…). Puisque dans ce cas-là les médicaments traditionnels d'automédication comme le paracétamol ne vont pas fonctionner, il faut préférer les antiépileptiques, les traitements antidépresseurs".

Favoriser une prise en charge plus globale

Car le point commun insidieux de toutes ces classes de médicaments, c'est qu'elles n'ont pas une efficacité très limitée sur le long terme et finissent par présenter des effets collatéraux, comme la fatigue, des troubles de concentration, de l'irritabilité, des répercussions sur la libido, sur la prise de poids. Raison pour laquelle, à toutes ces méthodes médicamenteuses, les deux médecins considèrent comme essentiel de compléter et préférer les thérapies comportementales et cognitives, les psychothérapies pour gérer la douleur de manière plus naturelle au quotidien de l'hypnose à la méditation, en passant par la sophrologie, l'activité physique.

Un Podcast de l'émission Grand bien vous fasse - France Inter